Édulcorants dans les protéines en poudre : stévia, sucralose, acésulfame K… que disent vraiment les études ?

Dans l’univers des protéines en poudre, les arômes sucrés dominent : vanille, chocolat, cookies… Mais derrière ce goût agréable se cachent presque toujours des édulcorants. Sucralose, acésulfame K, érythritol, stévia… autant de noms qui peuvent inquiéter. Certains sont présentés comme “naturels”, d’autres comme “sans danger” aux doses autorisées. Pourtant, la science avance, et l’impact de ces molécules sur la santé intestinale et métabolique mérite d’être analysé.

La whey, surtout en version isolate ou hydrolysée, a souvent un goût amer ou métallique. Pour la rendre plus agréable, les fabricants n’ont pas le choix : ils ajoutent des arômes et des édulcorants. Le sucre est exclu pour des raisons caloriques et marketing sauf dans de rares marques (ex : Protéalpes...). Résultat : la majorité des poudres “saveur cookies & cream” et compagnie sont de véritables cocktails d’additifs.

Les édulcorants ? Mais qui sont-ils ?

Avant de rentrer dans le détail des effets santé, il est important de comprendre de quoi on parle. Les édulcorants sont des additifs alimentaires dont le rôle est simple : donner une saveur sucrée sans apporter, ou en apportant beaucoup moins de calories que le sucre classique. Mais derrière ce mot générique se cache en réalité une grande famille.

On distingue d’abord les édulcorants traditionnels, c’est-à-dire… le sucre lui-même : saccharose, glucose, fructose. Ils sont naturellement présents dans de nombreux aliments, mais posent problème lorsqu’ils sont consommés en excès. Ils apportent rapidement beaucoup de calories et élèvent la glycémie.

Viennent ensuite les édulcorants de masse, appelés aussi agents de charge. Ce sont les polyols comme l’érythritol, le sorbitol ou le xylitol. Leur particularité : ils ont un goût sucré plus modéré que le sucre, mais ils apportent aussi du volume et de la texture. On les retrouve souvent dans les chewing-gums “sans sucres” ou associés à des édulcorants plus puissants pour améliorer le rendu final.

Enfin, il y a les édulcorants dits intenses. Leur pouvoir sucrant est 100 à 600 fois supérieur à celui du saccharose. Une quantité minuscule suffit donc pour sucrer un produit. Ils peuvent être synthétiques (comme l’aspartame, le sucralose ou l’acésulfame K) ou issus de végétaux (comme les glycosides de stéviol extraits de la stévia). Ce sont eux qui dominent aujourd’hui dans les boissons “zéro” et… dans la grande majorité des protéines en poudre.

Comment l’EFSA définit la sécurité : la notion de DJA

L’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) évalue la toxicité d’un additif, c’est-à-dire sa capacité à provoquer des effets néfastes. On détermine alors une dose sans effet observé (DSE) chez l’animal : la quantité maximale pouvant être ingérée toute une vie sans conséquence. Pour passer de l’animal à l’humain, on applique un facteur de sécurité de 100 : dix pour tenir compte du fait que nous pourrions être plus sensibles que les espèces testées, et dix supplémentaires pour couvrir les personnes plus fragiles que la moyenne.

On obtient ainsi la dose journalière admissible (DJA) : la quantité qu’un individu peut consommer chaque jour, toute sa vie, sans risque identifié. La DJA n’est donc pas une dose “idéale” ou une cible à atteindre, mais une limite de sécurité. Le problème, c’est que ces valeurs concernent chaque édulcorant séparément. Or, dans la vraie vie, on cumule souvent plusieurs sources : whey, sodas “zéro”, chewing-gums… C’est cet effet cocktail qui interroge.

Le sucralose : l’édulcorant roi du fitness

Autorisé depuis 2004 en France, le sucralose (E955) est probablement l’édulcorant le plus répandu dans l’univers des protéines en poudre. Il s’agit d’une molécule de saccharose modifiée par chloration. Ce petit changement chimique le rend 600 fois plus sucrant que le sucre et non métabolisé par l’organisme.

Les données toxicologiques classiques (cancérogénicité, génotoxicité) n’ont pas montré de signal préoccupant, ce qui explique qu’il soit encore massivement utilisé dans les sodas, produits allégés et même certains compléments alimentaires (protéines en poudre notamment). Les autorités sanitaires, comme l’EFSA l’ont jugé sûr et fixé sa DJA à 15 mg/kg de poids corporel par jour. Aux doses habituelles retrouvées dans la whey, il est donc très improbable de la dépasser.

Mais la recherche indépendante apporte des nuances. L’EFSA a déjà pris position à plusieurs occasions pour repasser en revue certaines études (comme celle de Ramazzini), en les jugeant méthodologiquement faibles, sans les accepter comme preuves de danger. Mais d’autres études ont montré des altérations du microbiote intestinal, avec une diminution de bactéries bénéfiques. Enfin, comme les autres édulcorants, il entretient l’envie de sucré.

À retenir : le sucralose reste un outil pratique pour donner du goût, mais il n’est pas neutre. Une consommation ponctuelle n’est pas problématique, mais un usage quotidien répété peut poser question.

Attention : chauffé à haute température, il peut se décomposer en composés chlorés potentiellement nocifs. D’où l’intérêt de ne pas utiliser sa whey sucralose en cuisson.

L’acésulfame K : l’oublié qui divise

Moins connu du grand public, l’acésulfame potassium (E950) est souvent combiné au sucralose pour renforcer le goût sucré et masquer l’amertume par effet de synergie. Il est environ 200 fois plus sucrant que le saccharose.

En 2025, l’EFSA a réévalué l’acésulfame K et a conclu qu’il était sûr. Mieux encore : la DJA a été augmentée de 9 à 15 mg/kg de poids corporel par jour, après analyse de nouvelles données toxicologiques. Pour les agences officielles, il n’existe pas de preuve solide que l’acésulfame K soit cancérogène ou toxique aux doses consommées dans l’alimentation.

Mais les grandes cohortes comme NutriNet-Santé (Inserm, 2022) racontent une autre histoire. Elles ont montré une association entre consommation régulière d’édulcorants artificiels – notamment l’aspartame et l’acésulfame K – et un risque accru de cancers ou de maladies cardiovasculaires. Ces résultats ne prouvent pas la causalité (on reste dans l’observationnel), mais ils posent question.

Ici encore, on retrouve une ambivalence : la toxicologie réglementaire dit blanc, l’épidémiologie en population réelle dit noir.

Résultat : l’acésulfame K ne fait pas peur aux agences, mais suscite de plus en plus de prudence chez les chercheurs d’autant que les effets sur le microbiote restent eux aussi montrés du doigt. Comme pour le sucralose, le risque principal réside dans l’accumulation via une consommation quotidienne.

L’érythritol : le “naturel” qui interroge

L’érythritol (E968) appartient à la famille des polyols. Il est produit par fermentation du glucose issu du maïs, de la canne ou de la betterave par des levures. Son pouvoir sucrant est modéré (environ 70 % de celui du sucre), mais il a l’avantage d’apporter quasiment zéro calorie. Il est en grande partie absorbé puis éliminé dans les urines.

Il est généralement mieux toléré que le sorbitol ou le xylitol, car une fraction est absorbée dans l’intestin grêle. Une fraction non absorbée se retrouvera dans le gros intestin pour une faible fermentation. Mais à forte dose, il reste laxatif. L’EFSA a d’ailleurs fixé en 2023 une DJA fonctionnelle de 0,5 g/kg/j pour encadrer ce risque. Comme tous les polyols, il est non cariogène.

En 2023, une étude prospective observationnelle a soulevé un lien possible entre forte consommation d’érythritol et risque cardiovasculaire, notamment via l’agrégation plaquettaire. Les résultats sont encore débattus et ne constituent pas une preuve pour le moment.

Pourquoi l’industrie l’utilise-t-elle ? Parce que, contrairement aux édulcorants intenses, l’érythritol apporte du volume et de la texture. Il “remplit” la poudre, donne un croquant, se rapproche du sucre en bouche et se combine bien aux autres édulcorants.

La stévia : entre plante et biotechnologie

La stévia a longtemps fasciné. Utilisée depuis des siècles en Amérique du Sud, elle a été massivement adoptée au Japon dès les années 1970, mais interdite en Europe jusqu’en 2011 par prudence toxicologique. Malgré cette interdiction, la poudre de feuilles de stévia (poudre verte) circulait en France début des années 2000, souvent vendue comme complément alimentaire. C’est à cette époque qu’elle gagne une réputation de “plante miracle qui sucre sans calories” très prisée notamment par les femmes soucieuses de leur poids.

En 2010, l’EFSA réévalue le dossier : les glycosides de stéviol (E960) – les vraies molécules actives – sont autorisés avec une DJA de 4 mg/kg/jour, identique au seuil fixé par l’OMS : « Des tests toxicologiques ont démontré que ces substances ne sont ni génotoxiques, ni cancérigènes, ni liées à de quelconques effets indésirables pour le système de reproduction humain …. »

Son pouvoir sucrant est 300 fois supérieur au saccharose. Quand on parle de “stévia”, on pense spontanément à une petite feuille verte au pouvoir sucrant naturel. La réalité est beaucoup plus complexe : derrière le terme règlementaire glycosides de stéviol (E960), il existe en fait une famille d’une douzaine de molécules dont le stévioside (plus abondant dans la feuille mais amer), les rebaudiosides D et M (minoritaires dans la plante mais très recherchés pour leur goût proche du sucre), dulcoside....

Il faut cependant distinguer deux modes de production :

  • L’extraction à partir des feuilles de la stevia rebaudiana : les molécules sont isolées puis purifiées, pour donner une poudre concentrée en glycosides de stéviol. L’utilisation de solvants alimentaires (éthanol, méthanol…) est requise. Sur le plan sanitaire, ce procédé est considéré comme sûr : il ne reste pas de solvants dans le produit fini. Mais attention : ce n’est pas une feuille de stévia que l’on consomme dans nos protéines en poudre, c’est une molécule isolée et ultra-raffinée. On est donc loin du végétal brut. Attention au discours marketing sur le sujet.

  • La biofermentation : des levures génétiquement modifiées (yarrowia lipolytica), nourries avec du glucose, produisent directement certaines molécules comme le Reb M ou le Reb D (minoritaires dans la plante), recherchées car elles ont le meilleur profil gustatif (pas d’amertume, goût très proche du sucre). Si on voulait les extraire uniquement de la feuille, il faudrait cultiver énormément de stévia, engendrant un coût et un impact environnemental non négligeable..

Dans les deux cas, la molécule finale est identique et suit le même parcours dans l’organisme : elle n’est pas absorbée dans l’intestin grêle, arrive dans le côlon, est transformée en stéviol par le microbiote puis éliminée.

Il n’y a pas de différence prouvée sur la santé entre ces deux origines, seulement une différence d’image et de process.

L’argument écologique de la biofermentation (“pas besoin de champs de stévia”) mérite aussi d’être nuancé : les levures consomment du glucose issu du maïs, de la betterave ou de la canne. Ces cultures, elles, mobilisent des terres agricoles, beaucoup d’eau et souvent des pesticides. Cette méthode n’est pas plus verte. L’impact environnemental est donc déplacé, pas supprimé. L’argument écologique est plus marketing que scientifique.

Pour ce qui est de l’origine naturelle, il s’agit d’un produit raffiné, obtenu par génie alimentaire, et non d’une simple feuille. Son image “naturelle” relève donc largement du marketing.

L’industrie pousse aujourd’hui pour augmenter la DJA de la stévia, mais l’EFSA a refusé en 2024. Preuve que même le ‘moins pire’ des édulcorants doit rester consommé avec parcimonie.

Nouvelles données épidémiologiques : édulcorants et risques de santé

En 2022, deux grandes études NutriNet-Santé (plus de 100 000 participants suivis sur plusieurs années) menées par l’Inserm et l’INRAE ont relancé le débat. Elles ont observé qu’une consommation élevée d’édulcorants artificiels, en particulier l’aspartame et l’acésulfame K, était associée à un risque accru de cancer (notamment cancers du sein et cancers liés à l’obésité) et suggèrent un lien avec un risque accru de maladies cardiovasculaires. Ces études sont observationnelles et ne prouvent pas la causalité, mais elles s’ajoutent à des signaux déjà décrits.

Ces résultats “ne soutiennent pas l’utilisation des édulcorants comme alternatives sûres au sucre” et alimentent les réévaluations en cours par l’EFSA et d’autres agences de santé publique.

Conclusion : que choisir dans sa whey ?

Toutes ces données montrent que les édulcorants ne sont pas interchangeables. Le sucralose et l’acésulfame K posent le plus de questions, surtout en consommation chronique. L’érythritol est mieux toléré mais n’est pas exempt de doutes, notamment sur le plan cardiovasculaire. Les glycosides de stéviol restent probablement l’option la plus intéressante, mais leur image “100 % naturelle” est trompeuse : ce sont des molécules raffinées ou issues de la biotech, pas une feuille de plante dans un shaker.

Le vrai problème, c’est l’effet cocktail. Une whey édulcorée, plus un soda “zero”, plus quelques chewing-gums ou produits sportifs édulcorés, et on peut dépasser rapidement une consommation quotidienne raisonnable d’édulcorants.

Le message clé est simple : ce n’est pas parce qu’un édulcorant est autorisé qu’il est neutre. Pour la whey comme pour l’alimentation en général, privilégiez une composition courte, avec peu ou pas d’édulcorants. Les versions sans édulcorants sont intéressantes et peuvent être cuisinées : dans un overnight porridge, des barres de céréales, des bowlcakes … Par principe de précaution, il est recommandé de ne pas utiliser des whey à base d’édulcorant dans vos préparations à cuire.

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Protéines en poudre : comprendre les différences pour mieux choisir !