Chocolat et cadmium : faut-il s’inquiéter ? Ce que disent l’ANSES et l’EFSA…

Le chocolat, c’est l’aliment plaisir par excellence : noir intense, lait fondant ou cacao en poudre, on l’adore sous toutes ses formes. Mais depuis quelques semaines, un mot un peu inquiétant s’invite dans le débat : le cadmium. Métal lourd, toxique à forte dose, il est régulièrement pointé du doigt dans les tests consommateurs (comme celui de l’UFC Que Choisir). L’alimentation représente 90 % de l’exposition des non-fumeurs au cadmium, les 10 % restants sont imputables notamment à l’air que nous respirons. Alors, danger réel ou peur exagérée ? Plongeons dans les données officielles pour mieux comprendre.

Qu’est-ce que le cadmium ?

Le plomb, l’arsenic, le mercure et le cadmium sont des Éléments Traces Métalliques (ETM) naturellement présents dans notre environnement, omniprésents dans notre alimentation et qui représentent une menace pour notre santé. Nos activités humaines augmentent leur dispersion dans l’environnement, et de ce fait, ils s’accumulent dans l’eau, les sols, et l’air pour finir dans notre assiette.

Le cadmium est donc un métal lourd présent dans les sols, notamment à cause de :

  • la composition de l’écorce terrestre, l’érosion naturelle des roches, les éruptions volcaniques...

  • les pollutions industrielles (métallurgie), la combustion des hydrocarbures, l’incinération des déchets...

  • l’usage d’engrais phosphatés...

Les plantes cultivées sur ces sols peuvent l’absorber. Problème : le cacaoyer est particulièrement efficace pour capter le cadmium, qui se concentre ensuite dans les fèves de cacao et donc dans le chocolat 🍫.

chocolat cacao cadmium

Quels sont les dangers du cadmium sur la santé ?

L’Étude Alimentation Totale (EAT) menée par l’ANSES a pour objectif de surveiller et d’estimer l’exposition de la population aux substances chimiques présentes dans notre alimentation. Elle a mené des analyses sur plus de 20 000 échantillons alimentaires représentatifs de nos habitudes en lien avec l’étude INCA. Elle nous montre que 0,6 % des adultes dépassent la dose journalière tolérable quand il s’agit de 14 % pour les 3/17 ans. Les moins de 3 ans sont concernés à 36 %.

Les enfants sont donc les plus touchés par cette exposition. Ceci est d’autant plus problématique que le cadmium s’accumule dans l’organisme (surtout dans les reins et le foie) et qu’il est reconnu cancérogène certain ( groupe 1, CIRC), mutagène, reprotoxique et qu’une exposition chronique peut fragiliser le squelette. A savoir que le cadmium n’agit pas directement sur l’ADN. Sa génotoxicité vient du stress oxydatif qu’il induit et de l’inhibition de la réparation de l’ADN.

Le chocolat, vraiment responsable de notre exposition au cadmium ?

Même s’il est riche en cadmium, le chocolat n’est pas le premier responsable de notre exposition alimentaire.

Selon l’ANSES et l’EFSA, en France, les principaux aliments contributeurs exposant à un risque sanitaire dans le contexte d’une consommation chronique sont :

  • le pain et les produits céréaliers , produits de panification ( 27 % env)

  • les légumes notamment à feuilles vertes (15%)

  • les pommes de terre et dérivés (13%)

  • les fruits à coque et légumineuses en moindre mesure

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on en consomme en grande quantité au quotidien. Même si leur concentration en cadmium est faible ce sont eux qui contribuent de manière significative à notre exposition. A noter que dans un même sol, les légumes-feuilles seront plus concentrés en cadmium que les légumes-racines eux-mêmes plus concentrés que les céréales.

Le chocolat reste une source ponctuelle (4 % de notre exposition), mais importante chez les gros consommateurs (enfants, ados, amateurs de chocolat noir fort en cacao).

Les algues sont elles aussi montrées du doigt. Près d’un quart des échantillons analysés présentent des concentrations en cadmium supérieures à la teneur maximale fixée alors que leur consommation en Europe est en pleine explosion.

Les fruits de mer et les abats sont aussi des sources importantes.

De même, les animaux consomment les végétaux contaminés. Ce faisant, c’est l’ensemble de notre alimentation qui est touché par le cadmium. Mais le chocolat, les algues et les fruits de mer étant consommés dans une moindre mesure, ils ne sont pas les principaux responsables de notre exposition.

Les fumeurs sont exposés au cadmium via la fumée de tabac ce qui multiplie leur charge corporelle par deux comparé à un non-fumeur. Ceci s’explique par le fait que l’absorption pulmonaire est plus élevée que l’absorption gastro-intestinale.

Les végétariens ont quant à eux une exposition plus élevée car ils consomment plus de céréales, graines oléagineuses et légumineuses.

Pourquoi l’origine du cacao influence la teneur en cadmium

Les teneurs en cadmium de nos chocolats varient selon deux critères. Tout d’abord, la provenance des fèves :

  • Amérique Latine (Équateur...) → sols naturellement plus riches en cadmium → teneurs plus élevées.

  • Afrique de l’Ouest (Ghana...) → sols généralement moins contaminés → teneurs plus faibles.

Varier les origines de chocolat est donc une stratégie simple pour limiter l’exposition.

Un second facteur influence la teneur de nos tablettes : le pourcentage de cacao. En effet, dans les chocolats au lait, l’ajout de sucre et de lait permet de diminuer le pourcentage de cacao et donc la concentration en cadmium. Cela veut-il dire que nous ne devons plus consommer de chocolat ? La réponse est clairement non comme nous le verrons plus bas.

NB: Le chocolat bio ou certifié présente la même concentration en cadmium et n’est pas épargné.

Comment limiter son exposition sans se priver ?

Pour limiter l’exposition, l’Union européenne a fixé des teneurs maximales de cadmium dans différents aliments. Ces seuils diffèrent selon le pourcentage de cacao et l’âge des consommateurs (plus stricts pour les produits destinés aux enfants).

Inutile de bannir le chocolat ! Voici quelques conseils :

  • 🍫 Varier les origines : Afrique de l’Ouest souvent moins contaminée que l’Amérique Latine.

  • 🍪 Privilégier la modération : 1 à 2 carrés par jour = plaisir sans excès. Consommer des quantités usuelles permet de limiter son exposition. Cela vaut pour tout type de chocolat, noir, au lait, aux noisettes...

  • 🥦 Diversifier son alimentation : plus l’alimentation est variée, moins l’exposition à une seule source est importante.

  • 🛒 Lire les tests consommateurs (UFC Que Choisir, 60 Millions de consommateurs) qui classent les marques selon leur teneur.

Comment le cadmium s’accumule dans le corps (foie, reins, os)

Lorsque nous consommons du cadmium via l’alimentation ou que nous l’inhalons par la fumée, une partie pénètre dans l’organisme. Par voie digestive, environ 5 % du cadmium est absorbé chez l’adulte. Cette proportion peut toutefois grimper à 10 à 20 % si la personne est carencée en fer, en zinc ou en calcium, car les transporteurs intestinaux utilisés sont communs à ces minéraux. Par voie respiratoire, l’absorption est bien plus élevée : entre 10 et 50 % du cadmium inhalé passe directement dans le sang, ce qui explique pourquoi le tabac est une source majeure d’exposition.

Une fois dans la circulation sanguine, le cadmium se fixe à certaines protéines plasmatiques. Il est ensuite distribué dans l’organisme et se concentre d’abord dans le foie. Cet organe réagit en produisant des protéines particulières, les métallothionéines. Ces petites protéines riches en soufre se comportent comme des “pièges à métaux” : elles capturent le cadmium afin d’éviter qu’il ne circule librement et n’endommage les cellules. Elles jouent donc un rôle primordial dans la détoxification des métaux non-essentiels tout en régulant les métaux essentiels à notre organisme ( cuivre, zinc...)

Ce mécanisme de défense a toutefois une contrepartie. Le complexe formé entre le cadmium et les métallothionéines migre progressivement vers les reins, où il s’accumule au fil des années. Le corps ne parvient pas à l’éliminer efficacement : l’excrétion se fait lentement par l’urine et la bile, et la demi-vie biologique du cadmium est estimée entre dix et trente ans. Cela signifie qu’une exposition régulière, même faible, conduit inévitablement à une accumulation progressive dans les tissus.

En parallèle, d’autres molécules comme le glutathion participent aussi à la neutralisation du cadmium en formant des complexes. Mais ces systèmes de défense s’épuisent vite en cas d’exposition chronique.

Ainsi, les métallothionéines jouent un rôle ambivalent. Elles protègent l’organisme à court terme en neutralisant la toxicité immédiate du cadmium, mais elles contribuent aussi à le stocker durablement, transformant nos reins en véritables réservoirs de cadmium. C’est ce phénomène de bioaccumulation qui explique pourquoi les effets toxiques se révèlent après plusieurs années d’exposition chronique.

Pourquoi une carence en calcium, fer ou zinc augmente l’absorption du cadmium

Le cadmium n’a aucune fonction biologique. Pourtant, il parvient à pénétrer dans l’organisme en “détournant” les systèmes de transport intestinal prévus pour les minéraux essentiels. Ces transporteurs ne sont pas spécifiques à 100 % : ils peuvent reconnaître et faire passer plusieurs métaux de structure voisine.

Par exemple : le transporteur DMT1, une protéine de la membrane des entérocytes permet l’absorption du fer ferreux Fe²⁺. Mais DMT1 n’est pas très sélectif. Il peut aussi transporter le cadmium (Cd²⁺). En cas de carence en fer, l’organisme augmente fortement l’expression de DMT1 dans l’intestin pour maximiser l’absorption du fer alimentaire. Résultat : plus de “portes” ouvertes = plus de passage de cadmium.

Il en va de même pour les canaux calciques (TRPV) en cas de carence en calcium, mais aussi pour les transporteurs du zinc

Le cadmium agit comme un imposteur chimique. Plus le corps manque de fer, de calcium ou de zinc, plus il exprime de transporteurs intestinaux pour compenser ces carences. Ce mécanisme explique pourquoi certaines populations vulnérables (femmes enceintes, enfants, populations avec faibles apports en calcium/fer) sont plus sensibles à la toxicité du cadmium.

Un bon statut en minéraux réduit la compétition au profit des métaux lourds.

Comment limiter son exposition au cadmium (et autres métaux lourds)

Le cadmium est partout : dans l’air, l’eau, l’alimentation et même la poussière de nos maisons. Bonne nouvelle : il existe des gestes simples pour réduire son exposition au quotidien.

🍽️ Alimentation = barrière nutritionnelle

  • Varier les sources de chocolat et de cacao (origines Afrique de l’Ouest souvent moins contaminées).

  • Limiter la consommation d’abats et d’algues..

  • Diversifier son alimentation pour éviter la concentration des apports en une seule source.

  • Maintenir des apports suffisants en calcium (produits laitiers, eau...), fer (viande rouge, légumineuses...), zinc (graines de courge, viande...) permet de limiter l’absorption et la toxicité des métaux lourds.

🌬️ Air & fumées

  • Ne pas fumer (le tabac est la première source de cadmium chez les fumeurs).

  • Aérer son logement 2 fois 10 minutes par jour pour limiter l’accumulation de polluants intérieurs (les poussières domestiques sont une source d’exposition importante)

Alors, Faut-il éviter le chocolat à cause du cadmium ?

Le chocolat peut contenir du cadmium, car le cacaoyer l’absorbe du sol. Mais ce n’est pas l’aliment qui expose le plus les Français : le pain, les légumes et les pommes de terre arrivent bien avant. Une portion usuelle de chocolat ne présente donc pas de risque. C’est l’effet cumulatif de notre exposition qui pose problème.

Le chocolat, c’est bien plus qu’un aliment : c’est un plaisir. Et comme tout plaisir, c’est la dose qui fait la différence entre soin et poison. Gardez votre carré du soir, choisissez-le bien, variez les origines, et savourez-le sans peur . Le corps sait gérer, tant qu’on le nourrit avec équilibre.

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Ressources utiles :

https://www.anses.fr/fr/content/cadmium-reduire-exposition

https://www.anses.fr/fr/content/lanses-fait-des-recommandations-pour-limiter-lexposition-au-cadmium-la-consommation-des

https://www.efsa.europa.eu/en/news/efsa-sets-lower-tolerable-intake-level-cadmium-food

https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/cadmium-et-ses-composes/

Cadmium in food ‐ Scientific opinion of the Panel on Contaminants in the Food Chain – 2009-EFSA

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